Un mois après l'intervention aérienne de la coalition occidentale en Libye , il est temps de faire une tentative d'éclaircissement de l'avenir des opérations.
En Libye, tout ce qui était prévu par les gens « intelligents et bien renseignés » est en train d’arriver. Les bombardements aériens n’ayant presque aucun effet, surtout si l’on cherche à limiter les pertes civiles, les forces de Kadhafi reprennent par conséquent du terrain sur les insurgés, qui, on l’a vu en cette fin de semaine, ont appelé à une intervention militaire sur le sol libyen.
Le pays est donc confronté à deux scenarii : l’intervention au sol des forces de l’OTAN d’un côté ou la reprise une à une des villes « insurgées » par les forces loyalistes de l’autre. Cette deuxième option serait synonyme d’un massacre pour les rebelles mais celui-ci sera en grande partie imputable à l’intervention des forces occidentales dans ce pays. Mais revenons sur le premier scénario : il semble être depuis le début l’objectif premier des « américains ». En voulant déléguer la responsabilité de l’échec des frappes aériennes initialement proposées par la France et l’Angleterre, les américains, grâce à l’OTAN(1) vont pouvoir prendre pied sur le sol libyen. Nicolas Sarkozy qui croyait bien faire en prenant en charge la communication des opérations (et non la direction) va donc se retrouver responsable de cette « enlisement aérien » au grand profil d'Obama, qui témoignait d'une certaine prudence jusqu'à présent. Mais, pour lancer cette intervention au sol par les forces de l’OTAN qui sont principalement sous commandement « américain », l’OTAN va devoir annoncer un prétexte qui lui permettra d’atteindre ses objectifs. Une première justification à cette seconde phase des opérations pourrait être l’inefficacité des frappes aérienne qui, dans l’histoire des 20 dernières années, ont toujours précédé une invasion terrestre. Un deuxième prétexte pourrait être la demande d’intervention terrestre demandée explicitement par les insurgés, qui sont actuellement clairement dominés par les forces loyalistes. Toujours est-il que cette opération est planifiée depuis longtemps, comme nous le montre le général U.S. W. Clark par exemple. Mais la géostratégie est aussi et surtout une histoire d’opportunités qu’il convient de prévoir à l’avance.
Qui dit [géo]stratégie dit objectifs à terme. Actuellement, personne ne peut dire avec certitudes quels sont les buts de cette grande opération mais on peut déjà dresser une petite liste des principales éventualités qui risquent de motiver fortement ce choix :
- Le pétrole : la Libye possède les plus grandes réserves d’Afrique et est actuellement le deuxième pays exportateur d’or noir du continent. Face à la raréfaction de celui-ci dans les années à venir, il convient donc de contrôler au plus vite ces réserves d’une importance [énergétique] capitale. Ce contrôle est d'autant plus important que le futur empire montant et concurrent des États-Unis qu'est la Chine cherche aussi à s'approvisionner en pétrole.
- Le piédestal vers l’Afrique : une intervention terrestre en Libye permettrait à l’OTAN et donc aux américains, par l’intermédiaire de l’AfriCom, d’avoir un « pied à terre » sur l’Afrique, qui, il faut le rappeler, est le continent le plus riche en matière première (pétrole, gaz, uranium, métaux précieux et métaux ordinaires, bois, diamant etc.). De plus, elle détient une importante « réserve » de main-d’œuvre jeune ce qui permettrait de relancer de nouvelles délocalisations dans le but de prévoir la montée en puissance et donc l’autonomie grandissante des pays asiatiques tels que la Chine, l’Inde mais aussi celle des tigres asiatiques. Notez que la Chine y a aussi un objectif qui est le développement économique de ce continent et donc la création à terme d’un nouveau marché pour les exportations chinoises.
- La stabilisation des révoltes populaires du Maghreb : les révoltes plutôt spontanées qui ont eu lieu en Tunisie et en Égypte, ont crée dans ces pays une situation de bras de fer en les réels représentants des peuples et les pions que tentent de placer l’Empire à la tête de ces pays. Il convient donc de calmer voire de mater une bonne fois pour toute ces révoltes qui ont d’une part des répercutions sur les pays arabes voisins, mais aussi et surtout des conséquences très dangereuses pour Israël surtout si Égypte, encouragée par la Libye et la Tunisie venait à mettre fin au blocus de Gaza, qui représente, il faut le savoir, une honte pour la population de ces pays majoritairement pro-palestinienne.
Bien entendu, il est clair pour tout le monde que l’objectif humanitaire majoritairement relayé par les médias dominants n’est ou plutôt ne fut qu’un alibi bien utile pour le déclenchement de cette guerre. La géopolitique n’est pas une affaire de sentiments mais plutôt une histoire de sang-froid et de préparation. Mais le grand-public a bien droit à sa version prémachée. En vérité, tout ceci est terriblement complexe, et le manque total de transparence voulu par les services de renseignement n’aide pas beaucoup à comprendre. Seul un entrecoupement des informations et une bonne vision globale des choses peuvent nous permettre d’y voir un peu plus clair.
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Note :
(1) Obama ne souhaite pas assumer devant le peuple américain une troisième guerre terrestre en terre musulmane, surtout avec l’enlisement de la guerre en Irak et celui de la guerre en Afghanistan. L’OTAN étant principalement une organisation dirigée par les États-Unis, Obama et ses conseillers préfèrent intervenir sous le masque de cette organisation.