lundi 24 janvier 2011

Petit manuel de la désinformation - Première partie

    
     Avec l’avènement d’internet à l'aube de ce siècle, l’accès à l’information constitue en soit un des enjeux majeurs de notre époque. Et pourtant, parallèlement à l’augmentation de la masse d’information disponible, la désinformation dans nos médias n’a jamais été aussi importante. Un petit tour d’horizon de ce "phénomène" s’impose donc à nous pour mieux comprendre son apparence concrète et son but à terme. Nous verrons par la suite quelques moyens pour s'en prémunir, ce qui entre nous ne peut être que bénéfique. 

Ière Partie : Les procédés de bases pour la désinformation


La désinformation comme une information mensongère

     Le mensonge constitue comme on peut s'en douter la forme première de la désinformation, la plus simple à mettre en place en dehors de tout contexte. En effet, contrairement à d'autres procédés que l'on verra par la suite, elle ne nécessite aucune préparation du terrain médiatique. En outre, elle est d'autant plus simple à mettre en place qu'il n'y a aucun interlocuteur au moment de l'émission de ladite information pour rétablir la vérité. C'est pourquoi cela en fait une des méthodes les plus utilisées par les journaux télévisés : l'information passe directement du présentateur au téléspectateur qui subit par conséquent ce qu'on veut bien lui faire entendre.
     Pourtant, si on exclut les témoignages, la facilité avec laquelle un média a la possibilité d'émettre une information mensongère constitue la grande faille de ce procédé car le contrôle de la véracité de l'information est une tâche aisée pour toute personne souhaitant vérifier ses sources. Pour mieux comprendre, prenons un exemple concret :
     Comme la quasi-totalité des citoyens du monde occidental, vous pensez certainement que le président Iranien Mahmoud Ahmadinejad a affirmé qu'il souhaitait "qu'Israël soit rayé de la carte". Petite vérification sur internet et grande surprise, les propos du président correctement traduit du persan étaient : "L’Imam disait que ce régime qui occupe Jérusalem doit disparaître de la page du temps"(1). On se trouve donc en pleine divergence avec l'affirmation relayée dans nos médias : le régime politique et idéologique Israélien et son territoire sont deux entités bien différentes. Ainsi, les pensées qui découlent de ses deux phrases sont elles aussi distinctes.
     Si de tels exemples basés sur des faits ou sur des déclarations publiques sont vérifiables sans trop d'efforts, il nous est malheureusement bien plus difficile de démanteler une information mensongère "issue" d'un témoignage car ceci présuppose d'avoir accès à la personne interrogée en supposant qu'elle dise vraie elle aussi… Ce genre de pratiques est potentiellement utilisable par les journalistes de presses car ils ne subissent aucune pression extérieure pour modifier à froid les propos recueillis. Cette vidéo  qui concerne un témoignage pour l'hebdomadaire Le Point nous montre un bel exemple de mensonge journalistique :



Les flagrants-délits représentent toujours la partie émergée de l'iceberg....
 
    
     A noter aussi qu'il arrive à certains médias de diffuser involontairement une fausse information mais quoi qu'il en soit cela remet en cause le métier même de journaliste, qui je le rappelle, à "l'obligation professionnelle" de contrôler ses sources. Toujours est-il que la diffusion d'informations mensongères constitue une forme de désinformation qui est simple à mettre en place. Pour autant, nous avons tous le devoir d'aller vérifier la véracité de chaque information qui nous parvient. On pourra, bien entendu, accorder une certaine confiance envers les médias de masse lorsqu'ils traitent de sujets secondaires n'ayant pas, par exemple, de conséquences politiques, économiques ou géopolitiques. Mais encore faut-il savoir distinguer un sujet "primaire" d'un sujet "secondaire"…

La désinformation ou l'énoncé d'une vérité parcellaire

     Après la diffusion de fausses informations, la désinformation peut apparaître sous une seconde forme : l'énoncé d'une vérité incomplète. Ceci implique qu'il ne nous est plus possible de contester la véracité de ce qui nous est dit ou montré. En revanche, la complétude de l'information est contestable.
     L'émission d'informations vraies mais partielles est un procédé largement utilisé dans le domaine médiatique. A première vue, cette méthode est incontestable et pourtant elle permet d'exercer sur les individus qu'elle atteint une forte manipulation ce qui à plus long terme permet de remodeler les pensées et les présupposés. Le mode d'emploi est simple : prenez un sujet sur lequel vous souhaitez aboutir à certaines conclusions. Ensuite, apportez seulement les informations qui vont dans le sens de votre conclusion préétablie et prenez le soin d'occulter les données qui vous dérangent. Vous obtenez une sorte d'affirmation qui, d'une certaine façon, est vraie mais qui, en même temps, est fausse et erronée.
C'est parfois aussi simple que ça ...




     Pour bien comprendre ce procédé, prenons un exemple très simple basé sur une phrase qu'on supposera vraie : "Jean-Pierre a dit qu'il ne votera jamais pour Christophe." Maintenant, supprimons les deux derniers mots de cette phrase. On obtient : " Jean-Pierre a dit qu'il ne votera jamais". Dans la première phrase, on doit comprendre que Jean-Pierre ne sera jamais du même bord politique que Christophe ou du moins que les idées de Christophe ne convaincront jamais Jean-Pierre, dans la deuxième, on en déduit que Jean-Pierre est un éternel abstentionniste ce qui entre nous n'a pas grand-chose à voir avec le sens de la phrase originale.
     Cet exemple fortement réducteur il faut l'admettre, permet de mieux s'imaginer la réalité de cette méthode. Bien qu'il puisse arriver à certains journalistes ainsi qu'à certains hommes et femmes politiques de tronquer directement une phrase issue d'un discours ou d'une interview, la plupart du temps, ce sont plutôt des images ou des commentaires concernant des faits ou des propos qui sont arrangés de telle sorte que le produit fini  qui résulte du montage fallacieux corresponde aux attentes qu'on lui avait fixées. Plus concrètement, voici un exemple qui concerne un sujet plus français, les banlieues :
      Les banlieues sont traitées assez régulièrement par les médias dominants surtout lors qu'un événement criminel "majeur" y a lieu. Ainsi, on va chercher à interviewer des résidents pour témoigner de l'agacement et du ras-le-bol qu'ils ressentent envers les délinquants. Or, avez-vous remarqué que la majorité des personnes interrogées étaient d'origine "franco-française" ou du moins "blanche" de peau ? Pourtant, de nombreux français originaires des précédentes vagues d'immigration revendiquent ouvertement leur colère envers ces délinquants. Avec cet exemple qui ne présente pourtant aucune fausse information, on espère introduire le raisonnement suivant dans la tête des individus qui ont pu voir ou entendre un reportage de ce type :
     Seuls les français "blancs" se plaignent des délinquants des banlieues donc tous les français d'origine immigrée n'ont rien a reproché aux délinquants donc ils sont tous d'accord avec leurs pratiques et donc au final les français d'origines immigrés sont tous des délinquants.
     Ce genre d'interprétation(2) peut paraître simpliste mais sachez qu'au final, c'est ce que la plupart des médias attendent de vous (pas spécialement pour ce sujet). D'ailleurs, si les exemples précédents avaient tous attraits aux médias, on retrouve aussi la vérité parcellaire dans le domaine politique, notamment au travers des discours.

La mise en relation de différents sujets

     Dans la même veine que précédemment, on trouve une autre méthode de désinformation particulièrement efficace qui consiste à mettre en relation différents sujets d’actualité dans un but précis "d'induction inconsciente" de liens logiques comme nous allons le voir. Car ne vous y trompez pas, vous la subissez tous les jours, plus encore que la deuxième méthode. Des quotidiens de presse aux journaux télévisés, en passant par la politique, elle est partout.
    Commencez donc par une petite expérience : allez faire un tour sur les sites internet des deux grands journaux français, le Monde (www.lemonde.fr) et le Figaro (www.lefigaro.fr) ; observez et mémorisez la mise en page globale des articles : il y a de grandes chances que vous ne remarquiez rien.
Laurence Ferrari n'essaierait-elle pas de nous entourlouper ?
     Pour mieux comprendre ce procédé, il est intéressant de savoir sur quel "mécanisme élémentaire" il s'appuie. Tout comme pour la vision et sa persistance rétinienne, on peut sans aucun doute affirmer qu'il existe une persistance mémorielle des mots et des images d'une part et des émotions d'autre part. Ainsi, lorsque vous lisez un texte qui traite d'une manière ou d'une autre de la mort, votre esprit se conditionne à ce thème, ce qui est normal d'une certaine façon car les émotions ne sont pas hypervolatiles. Pourtant parallèlement à cette précondition émotive, votre cerveau associe les mots-clef (ou images-clef) significatifs à ladite précondition. Par conséquent, et pour en revenir à des choses plus concrètes, lorsque vous regardez gentiment le JT de TF1 -ou de France 2- à 20 heures pétantes, vous, ou plutôt votre cerveau, ne cesse de créer des liens logiques entre primo, les mots et les images clefs et secundo, les émotions issues des différents reportages qui se suivent : à la manière du chaîne composée d'une multitudes de maillons, il se crée dans l'esprit du téléspectateur un tout enrichi d'une cohésion logique qui va l'amener à créer de nouveaux raisonnements.
     La puissance de cette méthode est grande car, en plus d'exercer sur vous un processus de désinformation, et elle est capable de modeler vos pensées. Dans un jargon plus courant, on  appelle ça de la propagande. Sans vouloir vous inquiéter un peu plus, sachez que cette technique a été théorisée par de nombreuses personnes dont un américain du nom d'Edward Bernays dans son ouvrage "Propaganda"(3) publié en 1928. L'auteur nous détaille le fonctionnement des techniques, qu'il a lui-même mises en place, qui permettent d'amener un groupe d'individus à avoir un avis ou une pensée souhaitée sur un thème, un événement, un produit ou sur une personne.
     Si vous ne comprenez toujours pas cette méthode que j'ai tenté d'expliquer un peu plus haut, allez faire un tour devant votre télé et attendez la page de pub : la publicité moderne est l'application directe de ce procédé, de manière moins subtile certes mais de façon efficace car si elle n'avait aucun effet sur nous, elle aurait vite été abandonnée. Donc la prochaine fois que vous regardez le journal télévisé de Laurence Ferrari, pensez à la page de pub d'il y a 5 minutes…

 

A suivre...




Nathan
Notes :

(1) Voici la citation exacte en persan pour ceux qui connaitraient la langue : " Imam ghoft een rezhim-e ishghalgar-e qods bayad az safheh-ye ruzgar mahv shavad."

(2) Voici un deuxième exemple de la méthode utilisant la vérité parcellaire et qui concerne les manifestations contre la politique Israélienne en France (comme lors de l’attaque de la flottille humanitaire). Le but de cet exemple n’est pas de savoir qui a raison entre les pro-israéliens et les pro-palestiniens mais plutôt de voir d’autres exemples de manipulation médiatico-politique et donc, de désinformation.
     Ainsi, il arrive que certains médias suivent les manifestations protestant contre le régime politique Israélien. Ainsi, ils filment ou photographient naturellement la foule composée de français de toutes origines ; d’ailleurs, il n’est pas rare de retrouver de multiples drapeaux brandis lors du cortège : drapeaux palestiniens naturellement mais aussi drapeaux français, algériens etc. Pourtant, on a pu constater, que très souvent on faisait interdire de force les drapeaux français dans les cortèges. Comment expliquer ceci ? L’analyse du raisonnement simpliste (mais espéré) qui en découle naturellement constitue un élément de réponse :
     Dans ces manifestations, on ne voit pas de drapeau français mais uniquement des drapeaux de pays arabo-musulmans donc seules les personnes d’origine "arabo-musulmanes" sont contre la politique Israélienne et donc ils sont tous antisionistes. On pourrait même rajouter : tous les arabo-musulmans sont donc antisémites... Bien entendu, ces implications sont fausses en réalité : le fait d’être contre la politique israélienne n’implique pas d’être antisionistes (c.f. l'opposition des différents parties politiques en Israël par exemple), et l’antisionisme n’a rien a voir avec l’antisémitisme.

(3) Le titre exact traduit de l'anglais est "Propaganda, Comment manipuler l'opinion en démocratie". Disponible aux éditions Zones, 2007.

 



1 commentaire:

  1. Nous souhaitons un franc succès à ce blog prometteur qui est la preuve indéniable qu'une jeunesse française, indépendante d'esprit et réfléchie, a des choses à dire et, qu'en ce sens, nous aurions peut être intérêt à l'écouter davantage.Nous comptons sur elle pour nous accompagner dans notre lutte et prolonger la dissidence le moment voulu.Longue vie au réveil consciencieux.

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